Communiqué de presse : "Les filles ont besoin de retrouver le chemin de l’école pour se construire"
« Les filles : une force libre et inarrêtable ». Tel est intitulé le thème de la Journée Internationale de la Fille célébrée chaque 11 Octobre. Au Burkina Faso, cette célébration intervient dans un contexte, où, à l’instar des autres pays de la sous-région ouest africaine, le pays connaît un contexte sécuritaire difficile. La crise sécuritaire a surtout secoué le secteur de l’éducation qui a subi des attaques et menaces qui se sont accentuées. Ces attaques se sont manifestées par : - des agressions physiques et assassinats d’enseignants; - des incendies et destructions de salles de classe et de matériels pédagogiques; - des menaces à l’endroit du personnel éducatif et des responsables des associations de parents d’élèves.
Selon les chiffres, en fin Août 2019, près de 2024 d’écoles et établissements post primaires et secondaires avaient fermé, affectant ainsi 330 292 élèves et 9 285 enseignants. Aussi, 391 862 enfants en âge scolaire étaient susceptibles d’avoir besoin d’une aide humanitaire dans des zones où la fréquentation scolaire est devenue un risque majeur pour les enfants. Alors que la rentrée scolaire est annoncée dans l’ensemble du territoire national, le retour en classe des élèves dans plusieurs régions du pays suscite de vives inquiétudes, du fait des tensions sécuritaires persistantes. C’est dans ce contexte que se tient la Conférence sur les enfants affectés par les conflits armés (Children Affected by Armed Conflicts-CAAC Conference) organisée par Save the Children et le African Child Policy Forum, du 15 au 17 Octobre 2019 à Addis-Abeba en Ethiopie. Le but étant de susciter et d’inspirer chez les dirigeants politiques de l’Afrique et les acteurs du continent, la responsabilité de la protection des enfants en situation de crise.
La fermeture des écoles et l’interruption des études affectent tous les enfants de façon générale, mais entrainent particulièrement des risques majeurs pour les jeunes filles. Une des formes de violences à laquelle celles-ci sont exposées est évidemment le mariage d’enfants. En effet, il est établi que ce contexte augmente la pression économique qui pèse sur les foyers, entraînant des familles qui ne l’auraient jamais envisagé à marier leurs filles trop jeunes. Surtout dans un contexte de fermeture d’écoles, il est à se demander ce que deviendront les filles qui n’ont plus accès à l’éducation. C’est pourquoi l’éducation doit toujours être assurée, surtout en période de crise, pour réduire au maximum la vulnérabilité des enfants au mariage précoce.
Le 16 juillet 2019, Save the Children International au Burkina Faso a commémoré officiellement le centenaire de l’organisation. A cette occasion, le Président du Faso a tenu à accorder aux enfants du Burkina Faso un insigne honneur, en acceptant de tenir une discussion directe avec eux. C’est le lieu de rappeler en substance les messages de plaidoyer que les enfants de Kaya, parlant au nom de tous leurs camarades du Burkina Faso, ont adressés à Son Excellence Monsieur le Chef de l’Etat.
S’exprimant sur la question du mariage d’enfants, Cathérine SAWADOGO, (15 ans) a raconté cette anecdote au Président : « Excellence Monsieur le Président, pour la petite histoire, notre club d’enfants a appris il y a quelques mois, qu’une de nos camarades était promise en mariage à un homme. Nous avons approché la famille de cette dernière, menaçant d’appeler la police si les parents ne changent pas d’avis, car c’était contre la loi. La famille a finalement renoncé à ce projet. C’était une grande victoire pour nous et notre amie a pu ainsi continuer ses études, sans soucis. ». Tout en saluant les efforts déjà consentis par le gouvernement en matière de protection de l’enfant et particulièrement de promotion de l’abandon du mariage d’enfants, elle a tout de même rappelé les chiffres qui demeurent préoccupants : 52% des femmes (soit 1 femme sur 2) ont été mariées avant l’âge de 18 ans, et 10% des femmes ont été mariées avant l’âge de 15 ans.
A son tour, Alizèta OUEDRAOGO (13 ans) s’est inspirée de cette pensée profonde de Nelson Mandela pour souligner l’importance de l’éducation en tout temps, pour le développement d’un pays. « L’éducation, est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde », a-t-elle cité, avant de déplorer le fait que la crise sécuritaire actuelle prive des milliers d’enfants de leur droit fondamental : l’éducation.
La célébration de la Journée internationale de la fille 2019 nous donne l’occasion de rappeler que pour que les jeunes filles soient une force inarrêtable capable de participer significativement au développement, leurs droits à la protection et à l’éducation sont absolument à assurer et préserver. C’est pourquoi il nous semble important de rappeler les recommandations et doléances que les enfants ont formulées au chef de l’Etat, toujours à l’occasion de la célébration du centenaire de Save the Children.
Sur la question de mariage d’enfants, les enfants ont demandé l’implication du chef de l’Etat qui pourrait consister à :
- Voter et appliquer des lois qui protègent les enfants en ramenant l’âge minimum légal du mariage à 18 ans pour tous ;
- Diffuser largement le nouveau code pénal et le nouveau code des personnes et de la famille ;
- Travailler sur les attitudes et comportements sur cette question au niveau des communautés avec les leaders traditionnels, religieux et communautaires.
Sur l’éducation, les enfants ont plaidé pour plus d’attention à l’éducation en situation d’urgence à travers les actions suivantes :
- Augmenter le budget alloué à l’éducation en situation d’urgence en vue d’assurer la continuité de l’éducation dans les zones à forts défis sécuritaires,
- Sécuriser les écoles et espaces d’enseignement, en mettant notamment en place des mesures de prévention des attaques contre l’éducation
- Renforcer le rôle protecteur de l’éducation en cette situation de crise, notamment en renforçant les capacités des enseignants en gestion psychosociale des enfants, en autoprotection et en éducation à la paix.
Cette journée du 11 octobre est aussi une opportunité de rappeler les engagements clairs pris par son Excellence Roch Marc Christian KABORE, Président du Faso, vis-à-vis des enfants à l’occasion du centenaire de Save the Children. Il s’est montré particulièrement plus rassurant sur la question du mariage d’enfants : « je voudrais vous rassurer que le Code pénal et le Code des Personnes et de la Famille (CPF) seront harmonisés pour que l’âge du mariage soit ramené à 18 ans. Le code est en relecture et je voudrais vous assurer que c’est une disposition et une mesure qui sera très rapidement prise. ». Idem sur la question de l’éducation où la volonté du gouvernement est réaffirmée afin que les enfants où qu’ils soient, bénéficient, d’une éducation en continu et de qualité.
Les enfants du Burkina Faso attendent que tous ces engagements se matérialisent en des actes concrets. Et les filles encore plus, car elles en ont besoin pour se construire et représenter une force dynamique qui contribue au développement. Save the Children y veille, et renouvelle sa promesse de travailler à ce que chaque enfant bénéficie de survie, d’éducation, et de protection. Bonne célébration à toutes les filles du Burkina Faso !
Emilie FERNANDES
Directrice Pays Save the Children au Burkina Faso
Encadré : Témoignage de S.A, 09 ans, élève en classe de CP2, déplacé à Kaya.
« Un jour pendant que nous étions en classe, notre enseignant est sorti et juste après il nous a informés que les groupes armés sont en train d’avancer vers notre école. Peu de temps après, nous avons aperçu des militaires passer devant l’école, avant de rebrousser chemin. Le lendemain, nous sommes repartis à l’école mais il n’y avait aucun enseignant et notre école était fermée. Nous n’avons plus jamais eu accès à nos salles de classe jusqu’aujourd’hui. Quelques jours plus tard, pendant que nous cultivions au champ, nous avons entendu des coups de feu. Au début nous pensions que c’était un bruit ordinaire du genre quelqu’un qui réparait la toiture de sa maison. Mais nous nous sommes rendu compte très vite que c’étaient des tirs de groupes armés, venus à moto, parait-il. Et c’était la débandade. Nous avons trouvé refuge dans une cour juste à côté, mais nous n’y avons trouvé personne. Nous y sommes restés jusqu’à ce que les coups de feu cessent et les bruits de motos s’éloignent. Nous avons regagné ensuite la cour voisine où nous avons passé la nuit avec les membres de la famille. C’est à partir de là-bas que nous avons fui pour nous retrouver dans ce site à Kaya.
Je souhaite que la sécurité revienne dans notre village pour que je puisse repartir dans mon école, continuer mes études et réaliser mon rêve de devenir instituteur ».