Déclaration des enfants à l’occasion de la Journée Internationale des droits des enfants – 20 novembre 2019
Ouagadougou, le 20 novembre 2019
«30e anniversaire de la signature de la convention des droits de l’enfant »
Le 20 Novembre de chaque année, nous célébrons la Journée internationale des droits de l’enfant. Cette année, la célébration marque également la commémoration du 30e anniversaire de l’adoption de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) adoptée le 20 Novembre 1989. Eglantyne Jebb, fondatrice de Save the Children, est considérée comme une pionnière pour le droit des enfants. En effet, c’est elle qui a, pour la première fois, évoqué le concept de droits des enfants en rédigeant en 1923 la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant, qui a été adoptée par la Société des Nations (précurseur des Nations Unies) en 1924 et qui a été la source d’inspiration de la CDE.
Cette Déclaration stipule notamment que « […] l’Humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur […] ». C’est l’une des déclarations phares qu’on attribue à la fondatrice de Save the Children, qui traduit tout son engagement pour que les enfants puissent survivre, apprendre et être protégés.
Pour marquer le 30e anniversaire de la convention relative aux droits de l’enfant, Save the Children donne la parole aux enfants eux-mêmes car il n’y a pas acteurs plus légitimes qu’eux pour parler de ce qui les concerne et pour célébrer leur droit « à la liberté d’information, d’expression et de participation ». Pour Save the Children, pour apporter des changements immédiats et durables au profit des enfants, il faut travailler pour et avec les enfants.
Save the Children a donc demandé aux enfants de son club d’écoute du Lycée Communal de Douroula dans la Boucle du Mouhoun de parler de leurs droits. Ils ont évoqué la problématique du mariage d’enfants, en demandant que tout soit mis en œuvre pour lutter pour la fin du mariage d’enfants, notamment réviser l’âge minimum légal au mariage à 18 ans, et d’appeler à un changement de comportements surtout des parents. Un groupe d’enfants déplacés a également été rencontré au Centre-Nord. Ceux-ci s’adressent globalement au gouvernement pour demander la sécurité en vue d’un retour à l’école pour tous ceux qui en sont privés.
Nous vous invitons à lire leur témoignage et recommandations.
A. Fin du mariage d’enfants : les enfants du club d’écoute du Lycée de Douroula, Boucle du Mouhoun nous interpellent
A la rentrée scolaire 2019, notre club a constaté l’absence d’une de nos camarades, une élève de la classe de 5e. Après quelques investigations, nous avons constaté que notre camarade avait été promise en mariage pendant les vacances. Nous avons alors approché sa famille pour nous informer et ce, avec un certain courage. Nous avons expliqué à sa famille les conséquences négatives du mariage précoce. Les parents persistant, notre club a tenté de les dissuader et a même envisagé faire appel à la police pour empêcher ce mariage car il peut être puni par la loi. Nous avons également touché l’association des parents d’élèves et l’administration de notre établissement afin d’empêcher qu’on marie notre camarade. Grâce à leur intervention, notre camarade n’a pas été mariée et a pu réintégrer l’école et poursuit aujourd’hui encore ses cours. C’est une grande fierté pour nous.
L’histoire de cette jeune fille, de notre école, est l’histoire de nombreuses jeunes filles qui pour certaines malheureusement n’auront pas la chance de terminer leurs études, seront exposées à des problèmes de santé graves, avec leurs droits les plus élémentaires bafoués. Le mariage d’enfants met un terme à l’enfance, obligeant la jeune fille à jouer trop tôt le rôle d’épouse et de mère alors que son corps fragile et son mental ne sont pas prêts. Quelle éducation une fille-mère de 15 ans peut-elle donner à son enfant en même temps qu’elle-même est toujours enfant ?
Alors que nous célébrons le 30e anniversaire de la convention relative à nos droits, le phénomène du mariage d’enfants persiste au Burkina Faso, malgré la volonté politique et de nombreux progrès. C’est pourquoi nous interpellons l’opinion publique et les autorités du Burkina Faso à tout mettre en œuvre pour protéger notre enfance et nous aider à grandir sereinement. Nous demandons donc :
Au gouvernement du Burkina Faso
- D’accélérer la révision du Code des personnes et de la famille afin de fixer l’âge légal minimum au mariage à 18 ans sans exception ;
- D’introduire et de rendre effective dans les curricula d’enseignement, l’utilisation d’un module sur le mariage d’enfants au profit des élèves de toutes les écoles. Cela permettra à nous enfants de prendre conscience de la gravité du phénomène et nous aidera à connaitre davantage nos droits.
Aux Familles, à la communauté
- De changer les comportements dans toutes les communautés afin de promouvoir l’abandon du mariage d’enfants ;
- Que les chefs coutumiers et religieux s’impliquent pour protéger les enfants et notamment sur la valorisation de la jeune fille.
B. Retrouver le chemin de l’école : les enfants déplacés au Centre Nord s’expriment
Save the Children International nous a donné l’opportunité de nous exprimer depuis notre site, dans la région du Centre-Nord, à Kaya. Les attaques contre notre école nous ont marqués, tant sur le plan psychologique qu’émotionnel. Notre histoire est suffisamment résumée dans celle de notre camarade S.A qui n’a que 9 ans, et fréquentait la classe de CP2 :
Un jour pendant que nous étions en classe, notre enseignant est sorti et juste après il est revenu nous dire que les groupes armés sont en train d’avancer vers notre école. Peu de temps après, nous avons aperçu des militaires passer devant l’école, avant de rebrousser chemin. Le lendemain, nous sommes repartis à l’école mais il n’y avait aucun enseignant et notre école était fermée. Nous n’avons fait que deux mois de cours et n’avons plus jamais eu accès à nos salles de classe jusqu’aujourd’hui. Quelques jours plus tard, pendant que nous cultivions au champ, nous avons entendu des coups de feu. Nous nous sommes rendus compte très vite que c’étaient des tirs de groupes armés, venus à moto, parait-il. Et c’était la débandade. C’est à partir de là que nous avons fui pour nous retrouver dans ce site à Kaya. Je souhaite que la sécurité revienne dans notre village pour que je puisse repartir dans mon école, continuer mes études et réaliser mon rêve de devenir instituteur.
Face à ce que nous avons vécu, nous ne demandons qu’une seule chose : retrouver le plus tôt possible le chemin de l’école et réaliser nos rêves. Pour cela, nous tenons à adresser ces recommandations et messages à tout décideur ou tout acteur pouvant agir dans ce sens :
A l’endroit du Gouvernement du Burkina Faso
- Garantir le respect du droit à l’éducation de l’ensemble des enfants du Burkina Faso, aussi bien en temps de paix que de conflit.
- Agir pour la réouverture des écoles fermées, afin de permettre aux élèves d’y retourner et reprendre normalement leur année scolaire ;
- Garantir la sécurité des enseignants pour qu’ils puissent dispenser les cours.
Aux partenaires d’appui du gouvernement
- Appuyer le relogement des personnes déplacées qui occupent les écoles afin de libérer les écoles et permettre aux élèves de continuer leur cours ;
- Appuyer l’éducation : appuyer la mise en place des espaces d’apprentissage temporaires, l’octroi de matériel didactique, des formations aux personnels scolaires en vue d’augmenter nos chances de réussir nos études ;
- Pour la visibilité de la situation du Burkina Faso : avoir plus d’attention sur la situation critique et considérer le cas du Burkina Faso dans les instances internationales.
Nous, enfants du club d’écoute du Lycée Communal de Douroula et enfants déplacés dans la région du Centre-Nord, voulons porter la voix des enfants du Burkina Faso et invitons les acteurs impliqués dans la défense des droits des enfants à passer à l’action.
C’est le meilleur cadeau que vous puissiez nous offrir, à l’occasion de la célébration du 30e anniversaire de la Convention relative aux droits de l’enfant.
Bonne célébration à tous les enfants du monde et du Burkina Faso en particulier.